Imagine un peu : tu es conscient, mais pas vivant. Tu vois et même tu comprends, mais tu ne vis pas. Tu as le nez collé au carreau. Tu reconnais les choses, mais ça ne fait pas de toi un vivant. On peut mourir et durer encore. Parfois, ce qui t'observe derrière les yeux de quelqu'un est mort dans l'enfance. C'est mort et c'est là , et ça regarde toujours. Ce n'est pas simplement le corps, sans rien dedans, qui te regarde ; non, il y a encore quelque chose à l'intérieur qui est mort depuis longtemps mais continue à regarder au-dehors, et regarde et regarde encore sans pouvoir s'arrêter.
Aimer un esprit, voilà le véritable martyre. Le désespoir incarné. Le nom de Donna ne serait imprimé sur aucune page, il n'apparaîtrait nulle part dans les annales de l'humanité. Disparue sans laisser d'adresse. Il y a des filles comme ça, et c'est celles-là qu'on aime le plus, celles qui ne permettent pas d'espérer, car elles vous échappent alors même que vous refermer vos bras autour d'elles.
Après tout, on vit à l'époque des Kleenex. On fait avec les gens comme avec les mouchoirs, on froisse après usage, on jette, on en prend un autre, on se mouche, on froisse, on jette. Tout le monde se sert des basques du voisin.